C’est un drame qui menace la planète entière: le déclin des abeilles est avéré, qu’elles soient élevées dans des ruches ou sauvages et solitaires. La faute à la pollution, au climat, aux virus, au frelon d’Asie et surtout aux pesticides qui déciment des colonies entières. Les apiculteurs font tout pour les protéger, renouveler leur cheptel. En vain. Face à la puissance des lobbys industriels, l’Etat et l’Anses se montrent étrangement apathiques. Comme contaminés eux-mêmes par les neurotoxiques.
En ce matin brumeux de décembre, le ciel pâle est ponctué de nuages jaunes et roses. Des gouttes d’eau ont gelé sur les brins d’herbe entourant la dizaine de ruches qui trônent dans le jardin de Ludovic Fauvel, 48 ans, apiculteur à Saint-Jean-sur-Vilaine (Ille-et-Vilaine). «Je garde ces jeunes colonies d’abeilles fragiles près de moi pour veiller sur elles», explique Ludovic, propriétaire de 650 ruches avec son associé et beau-frère Pierre-Yves Pannetier. Les abeilles sortent peu de leur nid en hiver.
A la fin de la saison, Ludovic, Pierre-Yves et tous les apiculteurs français constatent un taux de mortalité de 20 à 30% dans leur cheptel. Ce déclin de l’abeille mellifère (productrice de miel) a commencé, en France, dans le milieu des années 1990. «Quand j’étais petit, papa avait des ruches dans sa ferme et il n’y avait pas une telle tension au niveau du renouvellement, il ne se souciait pas de l’élevage, se rappelle Ludovic, regard azur et barbe fournie. L’abeille s’est toujours adaptée aux changements, mais on lui impose un tel rythme qu’elle ne suit plus.» Ludovic se souvient des haies, des étendues sauvages qui bordaient l’exploitation de son père. «Désormais, il y a moins de zones naturelles. Il y a aussi plus de virus, de parasites comme le varroa. Par ailleurs, les nouvelles cultures céréalières sont traitées avec des pesticides, des fongicides. L’équilibre n’est plus le même», regrette l’apiculteur. Pour compenser leurs 250 colonies perdues chaque hiver, Ludovic et Pierre-Yves achètent 200 reines par an à un éleveur. Ce matin – l’horreur!… – Ludovic a identifié un nid de frelons asiatiques dans son jardin. Ce prédateur redoutable sévit en France depuis 2004; il se nourrit d’abeilles et peut décimer des colonies entières. Un problème de plus qui s’ajoute à la longue liste des dangers pour ses butineuses.
Ça fait mal au cœur de voir mourir des colonies entières ou de devoir en détruire une infectée par un virus
Si, depuis 1995, le nombre de ruches françaises stagne à 1,2 million (les apiculteurs reconstituent leurs colonies, les divisent, pérennisant ainsi leur cheptel), la production de miel a chuté, passant de 32000 tonnes en 1995 à 15000 tonnes en 2015, selon l’Union nationale de l’apiculture française (Unaf). «La production de certaines colonies affaiblies nous bride. Sans cela, on pourrait vendre beaucoup plus de miel», assure Pierre-Yves. Durant l’hiver, Ludovic et Pierre-Yves mettent en pots le fruit de leur travail: dix variétés de miel confectionné en Bretagne, mais aussi en transhumance pour le châtaignier ou l’acacia. En 2017, ils en ont produit 9,5 tonnes mais ont dû arrêter de fournir un magasin qu’ils ne pouvaient plus approvisionner. «On lutte contre le découragement. Quand, à la récolte, on attend le résultat de notre travail et qu’il n’y a rien, c’est dur, il faut de l’abnégation», souffle Ludovic. En désinfectant un cadre de ruche au lance-flammes, Pierre-Yves embraye, avec un sourire triste: «Heureusement qu’on est deux pour se soutenir, car ça fait mal au cœur de voir mourir des colonies entières ou de devoir en détruire une infectée par un virus.»
A travers le monde, les apiculteurs essaient de prévenir les risques de mortalité chez les abeilles domestiques en gardant un œil attentif sur leurs colonies préoccupantes. Mais personne ne joue ce rôle avec les abeilles sauvages: «Les solitaires s’occupent elles-mêmes de leurs larves; si elles meurent d’un virus ou d’une intoxication aux pesticides, leur nid aussi», indique Yves Le Conte, directeur de recherche au département Abeilles et environnement de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra). «L’abeille domestique est mobile sur plusieurs kilomètres, mais certaines espèces solitaires ne le sont que sur 300 mètres. Si elles ne trouvent pas suffisamment d’alimentation, de fleurs, elles se fragilisent», complète Axel Decourtye, écotoxicologue à l’Institut technique et scientifique de l’apiculture et de la pollinisation.
Une menace pour toute la planète
Cette diminution des colonies menace toute la planète puisque les abeilles butineuses pollinisent 80% des plantes à fleurs. Ce sont elles qui permettent la reproduction botanique et la culture de nombreux fruits et légumes, comme la courgette ou la pomme. La valeur économique de l’activité des pollinisateurs (abeilles domestiques et sauvages, bourdons, papillons, mouches...) a été estimée par l’Inra à 153 milliards d’euros. C’est plus que le budget annuel de l’éducation en France!
Dans leur laboratoire d’Avignon, les scientifiques de l’Inra travaillent chaque jour à l’identification des causes de mortalité des 1000 espèces françaises. Ils ont étudié pendant plusieurs mois le comportement des abeilles mellifères grâce à des minipuces électroniques installées sur leur thorax. Les chercheurs ont alors observé plus d’un millier de butineuses en milieu naturel, exposées à des insecticides de type néonicotinoïdes, des substances chimiques neurotoxiques. Les résultats publiés en 2012 et 2015 ont conclu que plus les abeilles sont exposées à des néonicotinoïdes dans les champs autour de leur ruche (en l’occurrence deux substances commercialisées par Syngenta à base de thiaméthoxame), plus leur espérance de vie est courte. «Soit les abeilles meurent sur place dans les champs traités, soit elles ramènent ces molécules dans leur nourriture, provoquant l’intoxication de la colonie. On a retrouvé une dizaine de pesticides différents dans le pollen d’une ruche!» précise Yves Le Conte.
Une certitude chez nombre de scientifiques en France et à travers le monde, des Etats-Unis à l’Australie: les néonicotinoïdes représentent bel et bien un danger pour les abeilles et la biodiversité. «Quand les butineuses ont accès aux molécules des insecticides sur les fleurs, cela peut agir sur leur mémoire. Elles ne vont plus se souvenir de la localisation du nid et finir par mourir. A terme, cela peut complètement vider la ruche», poursuit le directeur de recherche.
Les invertébrés terrestres et aquatiques sont touchés en cascade, comme tous les écosystèmes alentour, c’est très grave!
Jean-Marc Bonmatin, du Centre de biophysique moléculaire du CNRS, travaille depuis 1997 sur l’insecte. «Il y a une multiplicité de facteurs liés à l’effondrement des abeilles, et tous sont liés, assure-t-il. La malnutrition favorise les virus. Les pesticides, insecticides et fongicides favorisent le parasitisme. Si une abeille cumule tous ces problèmes, c’est la catastrophe.» A travers ses recherches, Jean-Marc Bonmatin a montré que l’exposition réitérée à de très faibles doses de néonicotinoïdes et de phénylpyrazoles (une autre famille d’insecticides agissant sur le système nerveux central des insectes) entraînait des effets létaux et sublétaux tout aussi graves sur la reproduction. Les chercheurs de l’Inra et du CNRS ont également démontré la rémanence des néonicotinoïdes dans l’environnement, menant à une pollution des sols. «De ce fait, les invertébrés terrestres et aquatiques sont touchés en cascade, comme tous les écosystèmes alentour, c’est très grave!» s’alarme Jean-Marc Bonmatin.
Soutenue par les travaux des chercheurs, la lutte des apiculteurs a mené la Commission européenne à fixer un moratoire sur les néonicotinoïdes, suspendus partiellement pour le colza, le maïs, le tournesol et le coton. En France, le Parlement a voté leur interdiction dès 2016 dans le cadre de la loi sur la biodiversité, effective en septembre 2018, sauf dérogation jusqu’en 2020. Le ministère de la Transition écologique et solidaire assure entendre les craintes des apiculteurs et des chercheurs, et mettre tout en œuvre pour enrayer le déclin des abeilles.
Le poids des lobbys est terrible
«Pour cela, nous devons agir à la fois sur le maintien de la biodiversité végétale qui leur offre une alimentation variée, et interdire les pesticides les plus dangereux, comme c’est le cas des néonicotinoïdes, indique le ministère. Il faut trouver des substituts aux pesticides, puisque l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a insisté sur le fait que ces produits affaiblissent les défenses des abeilles face aux agents infectieux. Comme solutions, nous avons notamment le biocontrôle, c’est-à-dire des méthodes naturelles de protection des cultures contre les insectes. Ces mesures sont au cœur du plan pesticides issu des récents Etats généraux de l’alimentation.» Gilles Lanio, apiculteur dans le Morbihan et président de l’Unaf, s’interroge tout de même: «Ce sont de belles promesses mais, derrière, il y a le poids des lobbys qui est terrible. Dans les faits, on ne sait pas combien de dérogations seront accordées aux firmes commercialisant les néonicotinoïdes et quels dégâts ces produits pourront faire.»
Preuve supplémentaire de l’inquiétude autour du déclin des abeilles, une formation spécifique apicole a été créée pour les vétérinaires à Nantes. «Suite aux intoxications d’abeilles au Gaucho en 2006 (un insecticide à base d’imidaclopride commercialisé par Bayer), la profession apicole s’est dit que ce serait bien d’avoir des vétérinaires indépendants plus présents auprès des abeilles», raconte Claire Beauvais, vétérinaire, qui a suivi cette formation. Elle va visiter des ruchers à la demande des apiculteurs ou de la Direction départementale de la protection des populations (DDPP) pour confirmer des diagnostics de virus ou de mortalité. «Avant la réglementation européenne REACh entrée en vigueur en 2017, des milliers de pesticides étaient autorisés. Ils ont entraîné une forte mortalité des abeilles. Les firmes doivent maintenant donner des garanties de non-nocivité de leurs produits. Si la plupart ne causent plus de mortalité aiguë, ils ont des effets sublétaux, créant des dépeuplements des colonies en désorientant les abeilles. C’est une mort à bas bruit», déplore-t-elle. La vétérinaire continue d’être appelée pour des mortalités aiguës, plus rares. «Dans ces cas, les diagnostics sont compliqués, car il y a souvent un effet de synergie entre le parasite varroa, les aléas climatiques, le ravitaillement, les pesticides et les importations de reines étrangères pas forcément adaptées aux abeilles du territoire», pointe-t-elle.
Gilles Lanio a fait appel aux services de l’Etat via la DDPP pour un diagnostic de mortalité aiguë il y a quatre ans. Il n’a jamais eu de réponse. «Par téléphone, on m’a dit qu’il n’y avait pas assez de budget et que mes cadres de ruches étaient restés au congélateur sans analyses!» se désole celui qui reçoit au quotidien des témoignages inquiets parmi les 20000 adhérents de l’Unaf.
Jean-Paul Faucon, du Groupement de défense sanitaire des abeilles des Alpes-Maritimes, reconnaît les difficultés de chacun pour maintenir son cheptel, mais il se félicite du réseau d’alerte mis en place pour les épandages dans le département: «Quand il y a une indication de la préfecture pour un traitement, les apiculteurs sont prévenus et peuvent ainsi fermer leurs ruches ou les déménager.» Encore faut-il que les insectes comprennent…
En Bretagne, l’apiculteur Yves Jégo assure que ses abeilles ne peuvent échapper à l’épandage dans sa région: «Même si je cherche à implanter mes ruches dans des lieux de culture raisonnée, je ne contrôle pas mes abeilles. Elles peuvent partir butiner sur un périmètre qui s’étend sur plusieurs dizaines de kilomètres carrés. Si les néonicotinoïdes ne sont pas palpables, on les voit au quotidien avec la durée de vie des reines qui diminue, le fait qu’elles sont moins bien fécondées avec la spermathèque moins fournie des mâles.» Yves, devenu apiculteur professionnel à 44 ans après une carrière dans l’industrie automobile, est féru d’abeilles depuis quinze ans. «J’aimerais qu’elles vivent mieux; quand on ouvre une ruche, on vit abeilles, on respire abeilles, on se doit d’être humble.On les conduit mais c’est elles qui travaillent», témoigne-t-il de sa voix rauque. Il est aussi préoccupé par l’avenir, avec les nouveaux insecticides commercialisés par les firmes, comme les sulfoximines (lire l’encadré page 131).
Cette crainte est partagée par Claudine Joly, vétérinaire membre du réseau France Nature Environnement: «L’abeille est un bio-indicateur, une sentinelle, un symbole pour l’ensemble de la société. Si on n’a plus de pollinisateurs, il y aura un impact énorme sur notre écosystème. Ce n’est même pas envisageable. Les abeilles n’en peuvent plus. Donc ras-le-bol! Il faut que les autorités prennent de vraies décisions, des actes forts, pour les protéger.»
Source : Paris Match
Crédit : Sandra Mehl
Des abeilles sont équipées d’une puce électronique par les chercheurs de l’Inra qui observent leurs parcours pendant plusieurs mois.
Actualités
Les abeilles à bout de souffle
C’est un drame qui menace la planète entière: le déclin des abeilles est avéré, qu’elles soient élevées dans des ruches ou sauvages et solitaires. La faute à la pollution, au climat, aux virus, au frelon d’Asie et surtout aux pesticides qui déciment des colonies entières. Les apiculteurs font tout pour les protéger, renouveler leur cheptel. En vain. Face à la puissance des lobbys industriels, l’Etat et l’Anses se montrent étrangement apathiques. Comme contaminés eux-mêmes par les neurotoxiques.
En ce matin brumeux de décembre, le ciel pâle est ponctué de nuages jaunes et roses. Des gouttes d’eau ont gelé sur les brins d’herbe entourant la dizaine de ruches qui trônent dans le jardin de Ludovic Fauvel, 48 ans, apiculteur à Saint-Jean-sur-Vilaine (Ille-et-Vilaine). «Je garde ces jeunes colonies d’abeilles fragiles près de moi pour veiller sur elles», explique Ludovic, propriétaire de 650 ruches avec son associé et beau-frère Pierre-Yves Pannetier. Les abeilles sortent peu de leur nid en hiver.
A la fin de la saison, Ludovic, Pierre-Yves et tous les apiculteurs français constatent un taux de mortalité de 20 à 30% dans leur cheptel. Ce déclin de l’abeille mellifère (productrice de miel) a commencé, en France, dans le milieu des années 1990. «Quand j’étais petit, papa avait des ruches dans sa ferme et il n’y avait pas une telle tension au niveau du renouvellement, il ne se souciait pas de l’élevage, se rappelle Ludovic, regard azur et barbe fournie. L’abeille s’est toujours adaptée aux changements, mais on lui impose un tel rythme qu’elle ne suit plus.» Ludovic se souvient des haies, des étendues sauvages qui bordaient l’exploitation de son père. «Désormais, il y a moins de zones naturelles. Il y a aussi plus de virus, de parasites comme le varroa. Par ailleurs, les nouvelles cultures céréalières sont traitées avec des pesticides, des fongicides. L’équilibre n’est plus le même», regrette l’apiculteur. Pour compenser leurs 250 colonies perdues chaque hiver, Ludovic et Pierre-Yves achètent 200 reines par an à un éleveur. Ce matin – l’horreur!… – Ludovic a identifié un nid de frelons asiatiques dans son jardin. Ce prédateur redoutable sévit en France depuis 2004; il se nourrit d’abeilles et peut décimer des colonies entières. Un problème de plus qui s’ajoute à la longue liste des dangers pour ses butineuses.
Ça fait mal au cœur de voir mourir des colonies entières ou de devoir en détruire une infectée par un virus
Si, depuis 1995, le nombre de ruches françaises stagne à 1,2 million (les apiculteurs reconstituent leurs colonies, les divisent, pérennisant ainsi leur cheptel), la production de miel a chuté, passant de 32000 tonnes en 1995 à 15000 tonnes en 2015, selon l’Union nationale de l’apiculture française (Unaf). «La production de certaines colonies affaiblies nous bride. Sans cela, on pourrait vendre beaucoup plus de miel», assure Pierre-Yves. Durant l’hiver, Ludovic et Pierre-Yves mettent en pots le fruit de leur travail: dix variétés de miel confectionné en Bretagne, mais aussi en transhumance pour le châtaignier ou l’acacia. En 2017, ils en ont produit 9,5 tonnes mais ont dû arrêter de fournir un magasin qu’ils ne pouvaient plus approvisionner. «On lutte contre le découragement. Quand, à la récolte, on attend le résultat de notre travail et qu’il n’y a rien, c’est dur, il faut de l’abnégation», souffle Ludovic. En désinfectant un cadre de ruche au lance-flammes, Pierre-Yves embraye, avec un sourire triste: «Heureusement qu’on est deux pour se soutenir, car ça fait mal au cœur de voir mourir des colonies entières ou de devoir en détruire une infectée par un virus.»
A travers le monde, les apiculteurs essaient de prévenir les risques de mortalité chez les abeilles domestiques en gardant un œil attentif sur leurs colonies préoccupantes. Mais personne ne joue ce rôle avec les abeilles sauvages: «Les solitaires s’occupent elles-mêmes de leurs larves; si elles meurent d’un virus ou d’une intoxication aux pesticides, leur nid aussi», indique Yves Le Conte, directeur de recherche au département Abeilles et environnement de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra). «L’abeille domestique est mobile sur plusieurs kilomètres, mais certaines espèces solitaires ne le sont que sur 300 mètres. Si elles ne trouvent pas suffisamment d’alimentation, de fleurs, elles se fragilisent», complète Axel Decourtye, écotoxicologue à l’Institut technique et scientifique de l’apiculture et de la pollinisation.
Une menace pour toute la planète
Cette diminution des colonies menace toute la planète puisque les abeilles butineuses pollinisent 80% des plantes à fleurs. Ce sont elles qui permettent la reproduction botanique et la culture de nombreux fruits et légumes, comme la courgette ou la pomme. La valeur économique de l’activité des pollinisateurs (abeilles domestiques et sauvages, bourdons, papillons, mouches...) a été estimée par l’Inra à 153 milliards d’euros. C’est plus que le budget annuel de l’éducation en France!
Dans leur laboratoire d’Avignon, les scientifiques de l’Inra travaillent chaque jour à l’identification des causes de mortalité des 1000 espèces françaises. Ils ont étudié pendant plusieurs mois le comportement des abeilles mellifères grâce à des minipuces électroniques installées sur leur thorax. Les chercheurs ont alors observé plus d’un millier de butineuses en milieu naturel, exposées à des insecticides de type néonicotinoïdes, des substances chimiques neurotoxiques. Les résultats publiés en 2012 et 2015 ont conclu que plus les abeilles sont exposées à des néonicotinoïdes dans les champs autour de leur ruche (en l’occurrence deux substances commercialisées par Syngenta à base de thiaméthoxame), plus leur espérance de vie est courte. «Soit les abeilles meurent sur place dans les champs traités, soit elles ramènent ces molécules dans leur nourriture, provoquant l’intoxication de la colonie. On a retrouvé une dizaine de pesticides différents dans le pollen d’une ruche!» précise Yves Le Conte.
Une certitude chez nombre de scientifiques en France et à travers le monde, des Etats-Unis à l’Australie: les néonicotinoïdes représentent bel et bien un danger pour les abeilles et la biodiversité. «Quand les butineuses ont accès aux molécules des insecticides sur les fleurs, cela peut agir sur leur mémoire. Elles ne vont plus se souvenir de la localisation du nid et finir par mourir. A terme, cela peut complètement vider la ruche», poursuit le directeur de recherche.
Les invertébrés terrestres et aquatiques sont touchés en cascade, comme tous les écosystèmes alentour, c’est très grave!
Jean-Marc Bonmatin, du Centre de biophysique moléculaire du CNRS, travaille depuis 1997 sur l’insecte. «Il y a une multiplicité de facteurs liés à l’effondrement des abeilles, et tous sont liés, assure-t-il. La malnutrition favorise les virus. Les pesticides, insecticides et fongicides favorisent le parasitisme. Si une abeille cumule tous ces problèmes, c’est la catastrophe.» A travers ses recherches, Jean-Marc Bonmatin a montré que l’exposition réitérée à de très faibles doses de néonicotinoïdes et de phénylpyrazoles (une autre famille d’insecticides agissant sur le système nerveux central des insectes) entraînait des effets létaux et sublétaux tout aussi graves sur la reproduction. Les chercheurs de l’Inra et du CNRS ont également démontré la rémanence des néonicotinoïdes dans l’environnement, menant à une pollution des sols. «De ce fait, les invertébrés terrestres et aquatiques sont touchés en cascade, comme tous les écosystèmes alentour, c’est très grave!» s’alarme Jean-Marc Bonmatin.
Soutenue par les travaux des chercheurs, la lutte des apiculteurs a mené la Commission européenne à fixer un moratoire sur les néonicotinoïdes, suspendus partiellement pour le colza, le maïs, le tournesol et le coton. En France, le Parlement a voté leur interdiction dès 2016 dans le cadre de la loi sur la biodiversité, effective en septembre 2018, sauf dérogation jusqu’en 2020. Le ministère de la Transition écologique et solidaire assure entendre les craintes des apiculteurs et des chercheurs, et mettre tout en œuvre pour enrayer le déclin des abeilles.
Le poids des lobbys est terrible
«Pour cela, nous devons agir à la fois sur le maintien de la biodiversité végétale qui leur offre une alimentation variée, et interdire les pesticides les plus dangereux, comme c’est le cas des néonicotinoïdes, indique le ministère. Il faut trouver des substituts aux pesticides, puisque l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a insisté sur le fait que ces produits affaiblissent les défenses des abeilles face aux agents infectieux. Comme solutions, nous avons notamment le biocontrôle, c’est-à-dire des méthodes naturelles de protection des cultures contre les insectes. Ces mesures sont au cœur du plan pesticides issu des récents Etats généraux de l’alimentation.» Gilles Lanio, apiculteur dans le Morbihan et président de l’Unaf, s’interroge tout de même: «Ce sont de belles promesses mais, derrière, il y a le poids des lobbys qui est terrible. Dans les faits, on ne sait pas combien de dérogations seront accordées aux firmes commercialisant les néonicotinoïdes et quels dégâts ces produits pourront faire.»
Preuve supplémentaire de l’inquiétude autour du déclin des abeilles, une formation spécifique apicole a été créée pour les vétérinaires à Nantes. «Suite aux intoxications d’abeilles au Gaucho en 2006 (un insecticide à base d’imidaclopride commercialisé par Bayer), la profession apicole s’est dit que ce serait bien d’avoir des vétérinaires indépendants plus présents auprès des abeilles», raconte Claire Beauvais, vétérinaire, qui a suivi cette formation. Elle va visiter des ruchers à la demande des apiculteurs ou de la Direction départementale de la protection des populations (DDPP) pour confirmer des diagnostics de virus ou de mortalité. «Avant la réglementation européenne REACh entrée en vigueur en 2017, des milliers de pesticides étaient autorisés. Ils ont entraîné une forte mortalité des abeilles. Les firmes doivent maintenant donner des garanties de non-nocivité de leurs produits. Si la plupart ne causent plus de mortalité aiguë, ils ont des effets sublétaux, créant des dépeuplements des colonies en désorientant les abeilles. C’est une mort à bas bruit», déplore-t-elle. La vétérinaire continue d’être appelée pour des mortalités aiguës, plus rares. «Dans ces cas, les diagnostics sont compliqués, car il y a souvent un effet de synergie entre le parasite varroa, les aléas climatiques, le ravitaillement, les pesticides et les importations de reines étrangères pas forcément adaptées aux abeilles du territoire», pointe-t-elle.
Gilles Lanio a fait appel aux services de l’Etat via la DDPP pour un diagnostic de mortalité aiguë il y a quatre ans. Il n’a jamais eu de réponse. «Par téléphone, on m’a dit qu’il n’y avait pas assez de budget et que mes cadres de ruches étaient restés au congélateur sans analyses!» se désole celui qui reçoit au quotidien des témoignages inquiets parmi les 20000 adhérents de l’Unaf.
Jean-Paul Faucon, du Groupement de défense sanitaire des abeilles des Alpes-Maritimes, reconnaît les difficultés de chacun pour maintenir son cheptel, mais il se félicite du réseau d’alerte mis en place pour les épandages dans le département: «Quand il y a une indication de la préfecture pour un traitement, les apiculteurs sont prévenus et peuvent ainsi fermer leurs ruches ou les déménager.» Encore faut-il que les insectes comprennent…
En Bretagne, l’apiculteur Yves Jégo assure que ses abeilles ne peuvent échapper à l’épandage dans sa région: «Même si je cherche à implanter mes ruches dans des lieux de culture raisonnée, je ne contrôle pas mes abeilles. Elles peuvent partir butiner sur un périmètre qui s’étend sur plusieurs dizaines de kilomètres carrés. Si les néonicotinoïdes ne sont pas palpables, on les voit au quotidien avec la durée de vie des reines qui diminue, le fait qu’elles sont moins bien fécondées avec la spermathèque moins fournie des mâles.» Yves, devenu apiculteur professionnel à 44 ans après une carrière dans l’industrie automobile, est féru d’abeilles depuis quinze ans. «J’aimerais qu’elles vivent mieux; quand on ouvre une ruche, on vit abeilles, on respire abeilles, on se doit d’être humble.On les conduit mais c’est elles qui travaillent», témoigne-t-il de sa voix rauque. Il est aussi préoccupé par l’avenir, avec les nouveaux insecticides commercialisés par les firmes, comme les sulfoximines (lire l’encadré page 131).
Cette crainte est partagée par Claudine Joly, vétérinaire membre du réseau France Nature Environnement: «L’abeille est un bio-indicateur, une sentinelle, un symbole pour l’ensemble de la société. Si on n’a plus de pollinisateurs, il y aura un impact énorme sur notre écosystème. Ce n’est même pas envisageable. Les abeilles n’en peuvent plus. Donc ras-le-bol! Il faut que les autorités prennent de vraies décisions, des actes forts, pour les protéger.»
Source : Paris Match
Crédit : Sandra Mehl
Des abeilles sont équipées d’une puce électronique par les chercheurs de l’Inra qui observent leurs parcours pendant plusieurs mois.
EXPOSITION "ESCALE EN MÉDITERRANÉE ROMAINE – LES PORTS ANTIQUES DE NARBONNE"
À travers plus de 150 objets, cette exposition met en valeur les principaux sites du système portuaire narbonnais, inscrit le port de Narbo Martius dans le réseau des ports de commerce romains de Méditerranée occidentale, et détaille ses activités et métiers. Cette exposition place le public dans un rôle d'archéologue et lui fait vivre une expérience sensorielle unique.
EPCC Narbo Via
2 avenue André Mècle
11100 Narbonne
04 68 90 28 90
https://narbovia.fr
21 - Côte d'Or
►Jusqu'au 5 janvier
EXPOSITION "OCÉAN, ICI COMMENCE LA VIE"
Une exposition fascinante, captivante pour explorer, observer, découvrir, admirer, comprendre, agir… et prendre conscience de l'importance cruciale de l'océan dans l'équilibre de notre planète.
Le Jardin de l'Arquebuse
1 avenue Albert 1er & 14 rue Jehan de Marville
21000 Dijon
03 80 48 82 00
www.ma-nature.dijon.fr
25 - Doubs
►Jusqu'au 9 mars
EXPOSITION "À L'AFFÛT"
À travers son art, le photographe animalier et grand voyageur, exprime ses rêves, ses émotions et ses rencontres en captant l'instant, celui de l’animal au cœur de son environnement.
Saline royale
Grande Rue
25610 Arc et Senans
03 81 54 45 13
www.salineroyale.com
26 - Drôme
►Jusqu'au 31 janvier
ACTIVITE 3-11 ANS
LA FERME AUX CROCODILES
Le Père Noël est passé chez les crocos… et il est joueur ! Le Père Noël a caché 6 paquets cadeaux dans notre Réserve Tropicale. Les enfants doivent les retrouver et deviner à quel animal appartient chaque cadeau. Des indices et un plan les aideront à mener à bien cette mission !
La Ferme aux Crocodiles
395 allée de Beauplan
26700 Pierrelatte
04 75 04 47 42
www.lafermeauxcrocodiles.com
►Jusqu'au 5 janvier
ANIMATIONS GRATUITES
LA FERME AUX CROCODILES
10h30 : RDV animalier avec les oiseaux - 11h30 : RDV animalier avec les tortues géantes - 12h00 : Documentaires à l'amphithéatre - 14h00 : RDV animalier avec les iguanes - 15h00 : tout sur le crocodile - 16h00 RDV animalier avec les oiseaux. Contes du Baobab du 21 au 23 décembre. Rencontre avec la mascotte le 24 décembre.
La Ferme aux Crocodiles
395 allée de Beauplan
26700 Pierrelatte
04 75 04 47 42
www.lafermeauxcrocodiles.com
34 - Hérault
►Jusqu'au 9 mars
EXPOSITION "TISSER L'IMAGINAIRE"
Construite en partenariat avec le Mobilier national, l’exposition explore la notion d’Imaginaires dans l’art de la tapisserie. Récit d’aventures imaginaires transposées, illustration de contes et de fables, exploration de sentiments, de visions de l’esprit, représentations d’ailleurs imaginés ou rêvés, l’exposition montre les différentes formes que peut prendre l’imaginaire selon les artistes, les époques.
Musée de Lodève
Square George Auric
34700 Lodève
04 67 88 86 10
www.museedelodeve.fr
37 - Indre et Loire
►Jusqu'au 5 janvier
"NOEL AU PAYS DES CHÂTEAUX, CHENONCEAU, UN NOËL DE PORCELAINE"
En partenariat avec la maison Bernadaud, le Château de Chenonceau propose une visite autour de la spécialité de cette famille depuis 5 générations : la porcelaine de Limoges. Découvrez l'association de deux savoirs-faire : la porcelaine et l’art de la table d’un côté et les compositions florales de l’Atelier floral du Château de Chenonceau de l’autre.
Château de Chenonceau
37150 Chenonceaux
02 47 23 44 06
www.chenonceau.com
38 - Isère
►Jusqu'au 30 mars
EXPOSITION "ARCABAS, L’ÉTOFFE HAUTE EN COULEUR"
Outre les toiles de jute et l’impression sur soie que l’on retrouve dans l’église de Saint-Hugues, l’exposition présente des objets textiles conçus par Arcabas. Dans son œuvre picturale dont certains tableaux sont également présentés, les motifs des costumes, les drapés témoignent d’une recherche plastique constante.
Musée arcabas en Chartreuse
Eglise de Saint-Hugues
38380 Saint-Pierre-de-Chartreuse
04 76 88 65 01
https://musees.isere.fr
42 - Loire
►Jusqu'au 5 janvier
EXPOSITION "POUPÉE N’EST PAS JOUER"
L’exposition est consacrée aux différentes fonctions que peut prendre la poupée dans notre société quand elle n’est plus un simple jouet destiné aux enfants. Elle devient alors support de réflexion et d’analyse sur des phénomènes d’ordre historique, anthropologique, médical, social ou artistique...
Musée d’Allard
13 boulevard de la Préfecture
42600 Montbrison
04 77 96 39 15
www.facebook.com/museeallard
63 - Puy de Dôme
►Jusqu'au 23 février
EXPOSITIONS "DOUBLE PARADISO"
L'exposition Double Paradiso a ouvert ses portes. Du jardin des délices à la forêt du Petit chaperon rouge, embarquez pour un voyage imaginaire qui vous mènera dans l'univers captivant de Matteo CIbic, talentueux designer italien. Ses créations hybrides et humoristiques viendront ponctuer votre découverte de l'exposition présentée simultanément au musée Mandet et au Musée régional d'Auvergne.
Musée Mandet
14 rue de l’Hôtel de Ville - 63200 Riom Musée régional d’Auvergne
10 bis rue Delille - 63200 Riom
04 73 38 18 53
www.rlv.eu/musees
67 - Bas-Rhin
►Jusqu'au 5 janvier
EXPOSITION MUSÉE LALIQUE "HAPPY CRISTAL"
Happy Cristal revient chaque mois de décembre pour célébrer les fêtes de fin d’année au musée Lalique. C’est l’occasion, au travers de cette exposition-évènement, de mettre en avant les créations récentes de la cristallerie et de les faire vivre dans des mises en scène qui invitent au rêve, à l’évasion.
Musée Lalique
40 rue du Hochberg
67290 Wingen-sur-Moder
03 88 89 08 14
www.musee-lalique.com
►Jusqu'au 22 février
EXPOSITION "CLEMENCEAU CROQUÉ PAR SEM"
Le parcours de l’exposition-focus présente les débuts artistiques de Sem, le chroniqueur de la Belle Époque. Le parcours aborde sa carrière dans la presse et sa brève collaboration avec Clemenceau en 1913. Au moment où la guerre éclate, Sem devient correspondant de guerre pour plusieurs journaux et profite de cette période pour peaufiner l’imagerie clemenciste.
Musée Clemenceau
8 rue Benjamin Franklin
75116 Paris
01 45 20 53 41
https://musee-clemenceau.fr
►Jusqu'au 11 mai
EMPREINTE CARBONE, L'EXPO !
Conçue pour un public familial et articulée en trois parties, Empreinte carbone, l’expo ! vise à déconstruire les présupposés et les idées reçues sur notre empreinte carbone, à en examiner les mécanismes et à proposer aux visiteurs un espace de réflexion sur les actions à mener face au défi du changement climatique.
Musée des Arts et Métiers
60 rue Réaumur
75003 Paris
01 53 01 82 63
www.arts-et-metiers.net
77 - Seine et Marne
►Jusqu'au 5 janvier
"LE GRAND NOEL"
VAUX-LE-VICOMTE
Vaux-le-Vicomte vous invite à plonger dans l’univers des contes pour sa nouvelle édition du Grand Noël. Entre décors somptueux, feux de cheminée et projections monumentales, laissez-vous émerveiller.
Une expérience magique pour toute la famille en compagnie de Casse-Noisette, Blanche Neige ou encore Alice au Pays des Merveilles.
Château de Vaux-le-Vicomte
77950 Maincy
https://vaux-le-vicomte.com
84 - Vaucluse
►Les 23 é 24 janvier
CONTES AUTOUR DU MONDE "À VOL D'OISEAU"
Cette lecture ornithologique nous entraîne entre orient et occident, imaginaire et réel, air et terre, au gré de contes et de chants d’oiseaux. Elle mêle les patrimoines de tradition orale et de la nature à celui du musée d’arts décoratifs et refuge de la Ligue pour la Protection des Oiseaux.
Musée Louis Vouland
17 rue Victor Hugo
84000 Avignon
04 90 86 03 79
www.vouland.com
►Jusqu'au 30 avril
EXPOSITION "LES LIEUX IMAGINAIRES"
A travers le travail de quelques artistes et architectes, nous nous interrogerons sur les façons et les lieux où nous vivrons dans l’avenir. Entre vénération du présent, visions futuristes et perspectives révolutionnaires offertes par l’intelligence artificielle, il s'agira de scénarios pour les nouvelles générations, fondés sur une profonde compréhension du passé.
Château de Lourmarin
2 avenue Laurent Vibert
84160 Lourmarin
04 90 68 15 23
www.chateaudelourmarin.com